Temps de lecture: 4 minutes

Comment commencer un article sur la couleur en décoration ? Honnêtement, me voilà depuis dix min à écrire et réécrire la phrase d’accroche idéale pour cet article. Partir du traitement de la couleur par les designers ? Ou de la façon dont les magazines de déco l’utilisent comme d’une thématique ? Ou se lancer dans de nouvelles élucubrations autour de la « couleur de l’année » de Pantone et autres grands du monde de la couleur? 

Partons alors de mon questionnement, ma soif d’apprendre toujours plus sur le monde de la décoration. Comment choisir les couleurs dans une décoration ? Partir de nos préférences esthétiques, de nos concepts, de nos images… oui. Mais qu’en est-il de la signification des couleurs ? Quelle est l’influence des couleurs sur nos comportements, nos idées, nos humeurs, nos envies…? Au détour de mes recherches de livres sur la thématique des couleurs, me voilà attirée par un petit livre à la couverture bleue: L’étonnant pouvoir des couleurs par Jean-Gabriel Causse (Editions du Palio 2014).

L'étonnant pouvoir des couleurs | Livre J-G Causse

C’est une synthèse de ce que j’ai appris au cours de cette lecture passionnante que je vous propose ici dans une série de trois article: au-delà de la question du « beau » ou de la mode actuelle, je vous propose donc un petit détour par la psychologie…

Mais commençons par le commencement: avant d’étudier les mécanismes qui nous font réagir à la couleur, il faut la comprendre.

Qu’est-ce que la couleur ?

Alors, pour répondre à cette question, c’est évidemment par la physique qu’il faut passer. La couleur, finalement c’est la perception colorée de la lumière. J’explique: la lumière est pour faire au plus simple, une onde, qui peut être directement visible (si émise par l’objet qu’on regarde), mais aussi filtrée ou réfléchie par les objets – c’est ce qui nous permet de les voir. La lumière blanche contient toutes les couleurs, qui ont chacune un angle de réfraction différent… Les couleurs sont donc, en bref, le résultat de la réfraction de la lumière sur les différents objets qui nous entourent. Chaque couleur a sa longueur d’onde propre.

Comment percevons-nous les couleurs?

Au-delà de l’aspect purement physique de la chose, la question de la perception des couleurs se pose aussi: voit-on tous les mêmes couleurs? Il faut savoir que l’oeil humain est pourvu de trois « cônes », des cellules sensorielles qui sont sensibles à certaines longueurs d’ondes du spectre de couleurs: l’un, plus sensible aux bleus, un second, plus sensible aux verts et un troisième plus sensible aux rouges. Un quatrième cône est présent chez certaines personnes (10% des hommes et 50% des femmes), sensible aux tons oranges. Nous percevons donc les nuances de couleurs en fonction de ces caractéristiques internes à notre oeil. Pour définir une couleur, nous allons cependant au-delà de leur seule teinte… mais prenons en compte la luminosité ambiante: nous possédons en plus des cônes, de bâtonnets (dix fois plus nombreux que les cônes) qui sont sensibles à l’intensité de la lumière. Alors, quand la lumière n’est pas assez forte pour que les cônes perçoivent la lumière, les bâtonnets prennent la relève. L’oeil n’est-il pas un outil fabuleux?

Ce qui est intéressant quant à la perception des couleurs, c’est que nous ne sommes pas égaux (selon nos performances visuelles, la configuration de nos cônes et bâtonnets…) mais qu’elle est également fortement influencée par divers paramètres telles que la surface observée (matte ou brillante), la distance, l’angle sous lequel on l’observe, la taille de l’échantillon (s’il est plus petit, la couleur nous paraît moins intense), la luminosité (par exemple un jaune très lumineux paraîtra tendre vers le vert), mais aussi les associations entre diverses couleurs. Par exemple, l’association la plus forte en matière de contraste est le noir et le jaune… qu’on retrouve sans surprise assez souvent autour de nous. A côté du contraste, il y a la notion de rémanence négative: une illusion d’optique qui fait qu’une couleur peut créer l’illusion de sa complémentaire.

Le cercle chromatique de Johannes Itten

Acquises, innées? Les couleurs sont-elles universelles?

Une autre question que Jean-Gabriel Causse aborde de façon très fine dans son ouvrage, plus philosophique mais très intéressante, est la suivante: les couleurs sont-elles acquises ou innées ? Deux écoles s’affrontent:

  • celle des relativistes, qui considèrent que « la culture conditionne les couleurs que nous voyons » (ce qui expliquerait que les Inuits ont par exemple plus de 25 mots qui décrivent le « blanc »)
  • celle des universalistes, qui argumentent à l’inverse qu’il existe une conception universelle des couleurs, indépendamment de tout aspect culturel ou lié à l’apprentissage

Comme souvent dans ce genre de débat, la réalité se trouve quelque part entre les deux positions: on peut trouver à la fois des preuves que la couleur est ancrée dans l’évolution de l’ensemble des individus d’un groupe (biologiquement) et de déterminants culturels qui s’attachent plus spécifiquement à la symbolique ou l’importance qui leur est donnée… Sachant qu’il existe toujours cette idée que ce qui est inné aujourd’hui a peut-être été acquis pas des générations précédentes… Ainsi va l’évolution, au sens large.

Comment reproduire les couleurs?

Deux systèmes coexistent: la synthèse additive et la synthèse soustractive. Une image vaut mieux que mille mots, alors voici ce que cela donne:

La synthèse additive concerne la lumière. Sur base de lumière verte, rouge et bleue, vous pouvez créer toutes les couleurs que vous voulez. Et leur mélange donne du blanc, puisque ces couleurs mises ensemble couvrant l’ensemble du spectre lumineux. C’est cette logique rouge-vert-bleu (RVB) que vous retrouvez sur l’écran de votre ordinateur.

La synthèse soustractive concerne les pigments: c’est là avec du jaune, du bleu et du rouge que l’on peut créer toutes les couleurs, tandis que leur mélange donne théoriquement du noir (et en réalité, on obtient souvent une boue brune assez infâme). Pourquoi? Parce que ces trois couleurs absorbent l’ensemble du spectre lumineux, aucune couleur n’est réfléchie, ce qui donne donc du noir. C’est cette logique que votre imprimante suivra si vous décidiez d’imprimer cet article.

Voilà en bref quelques éléments relatifs à la couleur et comment la définir. Je trouve ce domaine de connaissance fascinant! Et je n’ai pas encore parlé de notre cerveau, et de son interprétation des couleurs ! Dans le prochain article de cette série, j’aborderai l’influence que les couleurs exercent sur nous.

Pour ne rien manquer de l’actualité des décovores et être tenu au courant de la parution des prochains articles, inscrivez-vous à la newsletter !